Japan Expo 2022 Interview – YUJI KAIDA
À l’occasion de Japan Expo 21e Impact, l’équipe de Mangacast a rencontré Yuji KAIDA, un illustrateur spécialisé dans le tokusatsu et notamment les fameux kaiju, à l’instar de Godzilla pour ne citer que lui. Découvrez son parcours ainsi que son approche sur son travail.
Pour cela, nous vous proposons, pour changer, non pas une écoute mais un peu de lecture. Rendez-vous ci-dessous pour découvrir son interview.
Interviewers : Thundergeek & Blackjack.
Transcription : Gensen
Transcription de l’interview
Bonjour monsieur Kaida et merci de nous accorder cette interview.
Pour commencer, nous aurions voulu savoir comment vous est venue cette passion du dessin ?
Depuis mon enfance. J’aimais beaucoup peindre des graffitis au départ, comme tous les enfants. Mais quand je suis devenu lycéen, j’ai rencontré un très bon professeur, Mr Ueda, qui m’a fait connaitre la peinture à l’huile.
Et à partir de cet instant j’ai commencé à peindre sur de grandes toiles. J’ai beaucoup peint à ses côtés durant mes trois années de lycée. C’est là que mon plaisir du dessin est apparu et depuis cela a continué.
D’où provient votre passion des kaiju au point de vouloir les dessiner vous-mêmes ?
Le premier film de kaiju que j’ai vu remonte à mes 9 ans, avec le film Mothra (Mosura, 1961). C’était un film avec beaucoup d’effets spectaculaire et ça m’avait vraiment plu. Mais à l’époque il y avait peu de livres sérieux sur le sujet avec plein de graphiques et de photos. Donc le meilleur moyen d’avoir une image de kaiju, c’était d’en dessiner soi-même. Il faut savoir que durant les vacances d’été, à l’école japonaise, on donne des devoirs à faire à la maison.
Moi j’ai donc décidé de dessiner une très grande peinture avec Mothra en essayant de représenter de la façon la plus fidèle ce que je me rappelais de l’une des scènes du film. C’était mon premier fanart si je puis dire car je voulais vraiment avoir ce monstre pour moi : c’est ainsi que ma passion des kaiju a débuté.
Quel est le processus pour réaliser une illustration avec des êtres si grands et si larges ?
Pour exprimer l’immensité d’un kaiju, j’essaie de me le représenter comme s’il était devant moi et de comment je le ressentirais. Je ne veux surtout pas utiliser de perspective qui soit trop scientifique ou réaliste. Par exemple, si je suis aux pieds du kaiju et que je vois sa tête en petit, je ne vais pas tenter de retranscrire cette perspective parce que ce n’est pas cette impression-là que je recherche.
En revanche si je représente une voiture renversée ou bien des flammes qui détruisent des éléments de décors issus de notre quotidien, on peut visualiser une nouvelle façon d’appréhender l’espace et atteindre une dimension différente pour représenter la grandeur d’un kaiju : on a une autre perspective et c’est celle-ci que je cherche.
On peut voir dans vos travaux un parallèle avec celui d’Alex Ross, un auteur de comics connu entre autre pour sa série Marvels dans lequel il représente les super-héros du point de vue du public, en montrant tout le merveilleux et le monstrueux. Est-ce quelque chose qui vous tient également à cœur quand vous dessinez des kaiju ou du tokusatsu ?
J’aime bien son travail aussi (Rires). Ce à quoi je fais attention, c’est de faire ressortir l’attrait principal des personnages. Cet artiste travaille différents super-héros comme Superman, Spider- man… Pourtant à chaque fois ce n’est pas les mêmes attraits qu’il met en avant. Il n’y a pas de modèle commun pour tous les héros, il y en a peut-être certains qui vont être fiers, d’autres qui vont se replier sur eux-mêmes, ou d’autres encore en pleine action. Pour chaque personnage il faut chercher une chose différente à mettre en valeur et je rejoins cette idée.
Un autre aspect intéressant de votre travail, c’est le respect que vous rendez au design de chaque kaiju : le Godzilla de 1954 ne ressemble pas à celui de Shin Godzilla. Est-ce dû à des consignes des studios ou est-ce quelque chose qui vous tient à cœur en tant que fan de kaiju de respecter le design de vos aînés ?
Il est rare qu’on me donne toutes les consignes en détail sur le kaiju que je dois faire, mais j’essaie de comprendre le but et le concept de mon illustration. Par exemple si c’est un produit dérivé, il faut attirer immédiatement le regard. Si c’est une affiche de film il faut présenter symboliquement le contenu de ce dernier pour donner envie à ceux qui la verront d’en découvrir davantage.
Pour chaque commande je dois d’abord découvrir sa finalité et choisir mon sujet et mon angle d’attaque. Est-ce que c’est un objet qu’on prend à la main, est-ce que c’est uniquement sur internet ? Cela sera très différent à chaque fois en réalité.
Vous avez travaillé ces dernières années sur plusieurs affiches de blockbuster américains. Tentez-vous d’apporter votre vision de la pop culture japonaise dans l’univers U.S ? Par exemple, si l’on prend votre image de Kong Skull Island et que l’on pense à King Kong comme le kaiju originel ayant donné naissance à tous les autres, essayez-vous de donner une vision japonaise de King Kong à ce moment-là ou cherchez-vous juste à respecter le personnage qu’importe ce que vous ressentez ?
Concernant ce film, l’affiche américaine a été créé avant que le film ne soit terminé et diffusé au Japon. On voit dessus King Kong avec un coucher de soleil en arrière-plan et il en ressort quelque chose de très beau. Mais quand on m’a commandé une affiche pour le marché japonais, ce dernier étant cette fois terminé j’ai regardé un extrait et je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout ce que l’affiche américaine vendait et que ça n’allait pas.
Le concept du film c’étaient des soldats américains ayant perdus la guerre du Vietnam qui passent par une île du sud en rentrant chez eux et qui rencontrent alors King Kong. Ce pitch ainsi que la photographie du film font penser à Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Mais à mon avis ce n’est pas ça du tout. Le film a plus à voir avec de l’animation japonaise par exemple. On y voit pas mal de kaiju différents et on voit ces derniers combattre contre des soldats américains sur une île en forme de crâne, c’était tout sauf raffiné en fait.
J’ai donc modifié comme je le souhaitais l’affiche pour le Japon avec un kaiju qui écrase un hélicoptère et des autochtones dans le paysage. Pour l’anecdote, quand l’affiche a été publiée, Jordan Vogt-Roberts, le réalisateur de Kong : Skull Island, était en visite au Japon pour la promotion du film. Il a vu mon affiche et m’a dit que j’avais vraiment compris son intention de mise en scène sur ce film. Et il l’a tellement aimé qu’il m’a dit qu’il la garderait à vie. Par la suite, il a pas mal partagé sur Instagram des photos de mon affiche encadré chez lui, ça m’a fait énormément plaisir. Au final ce qui m’a plu le plus c’est le fait d’avoir pu comprendre son idée.
Pour terminer, auriez-vous un message pour les fans français de Tokusatsu ou pour ceux qui apprécie votre travail ?
Les créateurs de ma génération continuent de travailler et de proposer des films avec leurs interprétations de ces figures de la science-fiction japonaise. Ce que je souhaite c’est que ces films soient appréciés plus largement dans le monde entier. Beaucoup de français disent avoir vu tel ou tel film quand ils étaient petits et j’aimerais vraiment que cette transmission dans les prochaines générations perdure.
Et surtout, n’hésitez pas à me passer des commandes d’affiche pour des kaiju français !
Merci beaucoup à vous.
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